L'AME ERRANTE

  Sur un tempo infernal, je ne peux pas me taire. Je suis même prêt à parler n’importe comment pour exprimer les pensées qui traversent mon esprit pendant que mon corps s’avance sur le seuil serré de la rue adjacente. 

  Les lumières sont déjà éteintes comme celles de mes amis qui ne croient pas en ce qu’il faut faire ni ce qui est fait.  Le parcours est long, la soif me prend, la faim me ronge et la protection s’arrête ici. Les cœurs s’emmêlent, les dérivés s’amenuisent et les ponts s’écroulent sous le poids chargé de la reconnaissance. 

  Souvent je mens pour pouvoir impressionner même si ça ne marche presque jamais, les gens décèlent le faux et m’éclate le vrai au nez. Vous ne me verrez même pas arriver, je suis l’ombre qui obscurcit la lumière, mais je ne dessine aucune tâche sur elle. Passant sans faire de bruit, je me trompe d’expression pour donner l’impression que les besoins vitaux n’ont aucune raison d’avoir un soupçon d’appréhension. Le mensonge a cette faculté de vous faire croire à l’impensable. 

  Vous vivez dedans et vous ne le voyez pas. Les questionnements ne sont pas assez grands, ils se limitent à ce que les gens connaissent déjà. Ce soir, j’ai la mission de résoudre les problèmes et de destiner le monde à ma propre soumission. 

  Pourtant l’erreur est là : qui suis-je pour faire entendre raison ? Personne. Si je ne le fais pas, j’aurais cependant ce sentiment d’insuffisance, comme si mon corps retenait les sombres desseins de ma psychologie instable. 

  J’arrête. Je suis sur un pont. Les nombreux problèmes me reviennent sans que je ne puisse les contrôler. Ma mère, mon père, mes sœurs. Ils sont les autres aujourd’hui, ceux que j’ai pensé comme de poignants figurants qui s’animeraient au fond de l’écran dans un ballet ridicule et muet. 

  Parce que maintenant les lettres s’enchaînent et les maux font effet en s’attachant inexorablement à moi.  Je me prends la tête en baissant mon degré d’implication. Je n’ai aucune idéologie, mais la haine du système m’a hanté jusque me faire tourner la tête. M’incruster dans cette fête d’obscénité, c’est réaliser le travail d’un autre qui aurait abandonné. Moi j’y vais car je suis déterminé à mettre fin au travail éprouvé d’êtres malfaisants et nocifs. Personne ne se rend compte du mal qu’ils véhiculent, de ces hommes et femmes qu’ils broient sous un système soi-disant bien pensé. Moi je sais car je vois les déboires de ceux qui ne peuvent voir, ces derniers étant trop occupés à compter les misérables parts donnés par les charognards. 

  Je parle en paraboles pour qu’aucun ne capte la subtilité des messages imprimés. Si jamais mes actes se dévoilaient, alors mon sacrifice n’aurait que peu d’intérêt. J’ai vécu comme une fourmi, certain que mon monde était le plus vaste alors qu’il n’était qu’un grain de poussière dans le microcosme d’un monde bien plus grand.

  Les points avancent vers moi maintenant. Je vais devoir arrêter les tergiversations inutiles pour me concentrer sur une action qui deviendra bientôt erronée si elle n’est pas menée à terme. 

  Les combats moraux sont désormais plus forts que tout et il n’est pas question que je laisse la place à ces étrangers de la Terre. Les batailles se rangent, les Hommes s’alignent, mais certains résistent. La Mort n’est pas pour aujourd’hui...

AME ERRANTE est une nouvelle sous forme de lettre ouverte. Comme l'était FUNESTE EBAUCHE que vous pouvez relire ci-dessous. 

FUNESTE EBAUCHE - Romain Jankowski auteur

Ceci est ma dernière lettre, mon dernier mot, mon ultime éclat avant que les sombres aigreurs des ténèbres ne viennent à moi. Ceux qui m'aiment ne doivent pas s'en soucier, ceux qui m'ont trah...

http://www.romainjankowskiauteur.com/2018/03/funeste-ebauche.html